Sommaire n° 176
Décembre 2017 :
Intro (Jacmo)
Droit de suite : Patricia COTTRON-DAUBIGNÉ (Claude Vercey)
Phare dans la nuit (Georges Cathalo) : Le Phare du Cousseix
Complément au Polder 175 de Marc Guimo (F-X Farine)
Complément au Polder 176 de Sophie Desseigne (Christian Degoutte)
Michel MERLEN (Jacmo, Hubert Haddad, Jacques Josse, Nadia Mongin,
Louis Dubost, Catherine Mafaraud-Leray, Luce Guilbaud, J-C Villain
Michel Merlen : La faculté des rêves
Jean-Louis GIOVANNONI : La mort, ça ne pourrit pas (Cl. Vercey)
Guy CHATY
Emmanuelle LE CAM : Au tableau noir des nuits blanches
Lire Lucien SUEL (Claude Vercey)
Il y a poésie (Mathias Lair)
Les Ruminations (Claude Vercey) : Pourquoi on aime ça, la poésie ? (Chloé Landriot, Jean Palomba, Éric Godichaud, Thierry Radière, Alain Wexler, Yves Boutroue, Christophe Stolowicki, Elsa Hieramente, Christophe Jubien
Jean-François DUBOIS : De quelques-uns et choses
Se mettre à la page (Florence Saint-Roch)
Feuilleton : La grande histoire de la petite édition (Alain Kewes)
Le Choix de Décharge
Michel LAMART
Jean PALOMBA
Gaëlle BOULLE
Murielle COMPERE-DEMARCY
Emmanuelle SORDET
Laurent FAUGERAS
David LEGOUPIL
Laurent BAYSSIERE
Valérie PANFILI
Gérard MOTTET
Joëlle PETILLOT
Ne restez pas seul(e) ce soir (Antoine Emaz)
Diaphragme - Notes de lecture (Jacmo)
À l’œil nu (Alain Kewes)
Bon de sortie : Les Revues-du-mois (Jacmo)
164 pages. 8 €.
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Pas une minute on ne s’ennuie dans cette boutique (Christian Degoutte)
Verso 173 : Christian Degoutte se penche sur le numéro 176 de notre revue :
Michel Merlen : « une sorte de héros de la dépossession », « à la limite du permis de vivre », « trois vers lui suffisent pour passer de la sensualité au mal-être », « Le stylo sur le papier vivait sa vie propre, plus rien pour arrêter cet étrange accouchement si silencieux…Puis stylo posé, fléchissement des épaules. Le texte était là. Pas une rature », « il a quelque chose d’un bluesman », « à l’ombre de la Tour Fondue », « les bouleversements intérieurs, la connaissance des gouffres, la vie en miettes », « Pudeur, modestie, retrait, discrétion, oubli, étaient ses marques » : à la suite de Jacques Morin, ils sont sept à lui rendre hommage dans le n° 176 de Décharge. Suit un inédit de Michel Merlen « Trouver les mots justes, le refrain du soleil, le bleu de l’air. Partir sur la page : pour toute fortune le papier, l’encre, le stylo… La mort n’est qu’un souvenir ».
Bon, y’a pas que les morts dans la vie ! Dans ce n°, y’a aussi plein de poètes vivants et tous bien différents (qu’on ne fasse pas dire ce que je n’ai pas dit : je n’ai jamais affirmé que les morts étaient tous pareils !). C’est la poésie d’aujourd’hui ça : dans un même sac on trouve Patricia Cottron-Daubigné (ses textes dents crochetées dans les avanies du présent font que je ne peux m’empêcher de la rapprocher de son illustre demi devancier, l’Agrippa et ses Tragiques), J-Louis Giovannoni (d’autres versions des vies minuscules – voir aussi le n° 31 de A l’Index - revue.alindex free.fr dont nous causâmes naguère), Guy Chaty « J’ai l’esprit encombré de meubles », Emmanuelle Le Cam « Le mot / me troue la peau », Lucien Suel « Plan d’occupation de la galaxie, l’aménagement du cosmos… », J-François Dubois « Si l’on pouvait / il faudrait n’écrire / que du silence ». Pas de raton-laveur dans ce sac de poètes mais une enquête POURQUOI ON AIME CA, LA POESIE ? « D’abord, est-ce qu’on l’aime, elle, plus qu’un autre ? Plus que le roman, plus que la nouvelle… » s’interroge à son tour Christophe Jubien.
Notes de lecture du maitre de maison. Toute une sacrée bande de chroniqueurs et queuses (A Kewes, F St-Roch, A Emaz, J Sacré, G Cathalo, M Lair, L Dubost, Cl Vercey et l’absent du n° Y-J Bouin). On ne s’ennuie pas une minute dans cette boutique.
Repères : Verso 173 (chez Alain Wexler - Le Genetay - 69480 Lucenay - 5,50€ le numéro)
Une lettre de Christian Bulting
Où par sa lettre du 26 Janvier 2018 adressée à Jacques Morin, le poète de Vieux bluesmen et d’Un jour d’exercice sur terre, l’éditeur de Contre-silence, donne son sentiment de lecteur à propos de la 176ème livraison de notre revue Décharge.
Christian Bulting :
Un petit mot pour dire combien j’ai trouvé excellent le dossier Michel Merlen. Tous les textes sont intéressants. A commencer par La faculté des rêves. Magnifique. On pourrait le trouver décousu, sans unité de ton. Tel qu’il est, il s’impose comme un grand texte. Il respire l’authenticité, il sonne juste. J’ai retenu en lisant les différentes contributions les aspects de la vie avec la poésie qu’elles évoquent. Du compagnonnage avec Décharge, aux relations avec un éditeur, des rencontres lors de manifestations poétiques ou dans un café ( outre le fond, la manière est du pur Jacques Josse). J’ai été touché aussi par les mots de ceux qui furent ses proches. Les dernières années en maison de retraite dites par Hubert Haddad, les étés avec femme et enfants à Hyères. Merci pour ce dossier. Il m’a donné envie de relire Généalogie du hasard, que je n’ai pas encore retrouvé dans le bazar de ma bibliothèque.
Plein d’autres choses dans ce numéro de Décharge. J’en retiens deux parmi bien d’autres. Les poèmes subtils et précis de Jean-François Dubois, et l’interrogation de James Sacré sur la ponctuation. Et toujours l’intérêt de lire des écritures si diverses par exemple entre Jean-Louis Giovannoni et Guy Chaty.
Avec mon amitié
Une revue taille XXL pour le XXIème siècle
En titre, la formule conclusive de Georges Cathalo pour la lecture-flash qu’il donne à propos de Décharge 176, sur le site : Revue Texture :
Chaque fin d’année voit Jacques Morin et son équipe remettre le couvert après avoir repoussé les doutes qui viendraient perturber la bonne marche de cette publication qui va sur ses 37 ans d’âge. C’est un bel âge : celui de la maturité mais également celui de l’expérience et de la jeunesse.
Comme toujours, ce nouveau numéro est plein comme un œuf et chaque lecteur y trouvera son compte puisque l’on peut découvrir de nouvelles voix dans Le choix de Décharge tout autant que des voix fortes et discrètes (Jean-François Dubois, Emmanuelle Le Cam ou Guy Chaty). On y retrouve aussi à travers un dossier-hommage très émouvant le poète Michel Merlen, récemment disparu. S’y rattachent de troublants et déchirants écrits inédits intitulés « la faculté des rêves ».
Quant à l’équipe régulière des chroniqueurs, elle s’étoffe avec la présence d’Antoine Emaz et de James Sacré qui apportent tous deux leur expertise avisée sur le riche univers de la poésie vivante. Une longue place est accordée à Jean-Louis Giovannoni. Après une présentation de Claude Vercey, on peut lire quelques inédits suivis de deux sections d’un recueil paru chez Unes en 2016. Le dossier Lucien Suel permet de rappeler la forte créativité de ce poète, « habile artificier » au confluent du classicisme et de la modernité.
En conclusion, on peut affirmer que Décharge est bien la revue de taille XXL pour ce XXI° siècle.
Décharge 176 : Patricia Cottron-Daubigné & Lucien Suel
Murielle Compère-Demarcy, poète et forte lectrice de poésie (les choses ne vont pas toujours de pair) prend feu dès qu’elle approche d’un texte intéressant. L’émotion et l’enthousiasme la submergent alors, et un flux impétueux d’écriture emporte ses propos, justes remarques et paraphrases mêlées. Il est vrai que faire court demande du temps et que notre lectrice critique semble on ne peut plus pressée.
Ainsi de la 176ème livraison de notre revue Décharge, qu’elle honore de copieux commentaires, dont on trouvera ci-après de larges et significatifs extraits. Je ne reproduis pas, par exemple, les longues citations de poèmes dont tout lecteur pourra aller prendre connaissance, ou relire, sur pièce, dans la revue même. Les appréciations de Murielle Compère-Demarcy, après avoir salué « une belle entrée » (l’édito de Jacmo), se concentrent essentiellement sur deux « belles pièces principales », soit le dossier concernant Patricia Cottron-Daubigné et celui relatif à Lucien Suel.
La parole à Murielle Compère-Demarcy :
Un Droit de suite nous offre des inédits de Patricia Cottron-Daubigné, remarquables par une écriture autre que celle rencontrée dans Croquis-Démolition (éd. de la Différence) signant une poésie de circonstance et Ceux du lointain dédié à l’exil et aux migrants (éd. L’Amourier) dont Claude Vercey en ce numéro 176 nous donne une lecture. A l’entrelacs de la chair et du chant, Patricia Cottron-Daubigné débroussaille l’intime au cœur du corps féminin, source et ventre du monde, Femme broussaille, la très vivante, née feuillage et poussant des racines à la cime dans l’obscur silencieux des rameaux de lumière soulevée par des vents sensuels. Sauvages cris de la retenue, des femmes murées et silencieuses, insolentes sirènes enchantées, accompagnent l’avancée de la femme-poète, tissée, corps ouvert, dans la dentelle du temps. Se brode, aux doigts de la terre fouillée, dans l’aération du jour délesté du ciel des dieux et de la fabrique des hommes, le poème des mots, le poème du monde.
Le clair-obscur, - de celui qui écoule en ses veines une pleine lumière densifiée dans le vitrail de notre chair faite chant, dans la résille de notre regard - enracine l’arbre du poème à même la course violente des torrents. Quelque chose de baroque circule dans ces textes, pourtant d’intime recueillement : Je suis du temps nocturne / déversé dans le jour, écrit Patricia Cottron-Daubigné. Se mêlent dans la voix de ses poèmes celles de la Femme Une-Unique-Double (et triple et plus encore, femme ! ), Femme-Médée, Médée le midi d’une femme (Midi Médée médite), foyer en proie aux flammes incendiaires, ventre ouvert aux brutalités, seins de braise couvant sous la cendre, brasier brûlant sa violence dans le sang, « femme-amante, femme-brûlure ». Femme qui tuera l’homme, dans ces éclats de sexe osés du côté de la nuit féminine, Femme cependant toujours aux côtés de ses enfants, demeure maternelle libre dressée dans la puissance de sa résistance, défaite du joug patriarcal.
[...]
Après cette belle entrée dans le numéro 176 de Décharge, la visite se fait par le hasard dans une autre pièce, pas tout à fait étrangère puisque la présence qui l’habite marque le territoire poétique depuis suffisamment de temps pour qu’on l’ait un jour rencontrée et remarquée. Poésie de circonstance celle de Lucien Suel, le jardinier du Nord, l’est également, en quelque sorte, constamment reliée à ce texte multiple de l’actualité dont le poète nordiste, célébrant aussi souvent la terre nourricière, donne des interprétations dans des partitions de poèmes-express, prose bop spontanée à l’assaut des slogans, expérimentations, textes poétiques de l’Underground, dans une organisation de vers justifiés parfois. Sombre ducasse, comme si c’était aujourd’hui… en donne l’envergure, la tonalité :
[ Poème : Sombre ducasse ]
Soulignons la tentative d’aération de la vie, des mots, opérée par Patricia Cottron-Daubigné et Lucien Suel, via la poésie, - cet état hors de soi, hors des jours alignés dont parle la première dans son interview avec Claude Vercey, si sensible dans le texte Ecrire et si rien, que l’on retrouve dans le corps textuel de Lucien Suel qui, lui aussi, aère la langue. Cette tentative d’aération s’effectue dans le bruissement de la langue, « un saisir sans abord », pour reprendre les mots de Pascal Quignard, depuis la chambre d’écho où les mots cognent, contre, caisse de résonance, par l’espace acousmatique du corps.
Notons que la visite se poursuit avec une brève évocation du poète Michel Merlen, « dans la fracture du soleil » (Hubert Haddad).