publié le 3 septembre 2018 , par dans Accueil> Les I.D
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L’œuvre vient de s’enrichir aux éditions Le Castor Astral et In’hui d’une nouvelle pièce, L’embouchure de la Maye (dans les vagues de la mer du Nord) [1], un fort volume de 280 pages, qui complète les chants précédents, parus chez les mêmes éditeurs en deux livres, l’ensemble constituant un vaste cycle à l’ampleur comparable à celle de Paterson par exemple, pour ne pas citer les auteurs américains, anglais, écossais, auxquels le nom du traducteur Jacques Darras est lié, dans cette volonté de propulser au niveau du mythe un élément local, là une petite ville américaine, ici une rivière côtière de la baie de Somme, dans le Ponthieu d’où le poète est originaire.
Dix sections (et peut-être neuf : l’une d’elle se résumant ici à son titre, à propos du poète Basil Bunting et de son poème Briggflatts) composent l’ouvrage. La plus ambitieuse, la première, William Shakespeare sur la falaise de Douvre, dont on lit ici la version définitive, est née de la longue confrontation de Jacques Darras avec le théâtre du dramaturge anglais : une lecture intense et attentive, écrit l’auteur, qui a également assisté, en diverses mises en scènes, à nombre de représentations des principales pièces. Jacques Darras s’est par ailleurs attaché aux sonnets de Shakespeare dont à vingt ans d’intervalles il a donné des traductions, fort différentes l’une de l’autre s’est-il aperçu après coup. William Shakespeare sur la falaise de Douvre retient vingt (si je ne me suis pas trompé dans le décompte) de ces doubles traductions, alternant avec les poèmes nés de la fréquentation de l’œuvre théâtrale, poèmes puissants, tumultueux, aux vers d’une amplitude inaccoutumée de 15 ou 16 syllabes, qui balancent juste, à la fois rigoureux dans l’écriture et souples dans la phrasé, d’une érudition joyeuse. Pour m’en tenir à un seul exemple, le poème Les noyées de Saint-Idelsbad (rien à faire : on n’échappera pas à la fascination pour l’élément liquide ) commence par l’évocation d’Ophélie - d’Ophélies au pluriel, plus exactement - pour glisser vers Paul Delvaux, et sa vision d’un Paradis sans hommes, d’où l’on est ramené vers La Vierge, qui fait place à un Platon fluorescent contre la paroi d’une caverne magdalénienne, puis à Puvis de Chavanne et au Parthénon, tandis que se pressent à la suite Eve, les Roi des aulnes, Saint Bernard et Abélard qui à leur façon diamétralement contraire honorèrent la Virginité, thème central de ce poème, comme on l’aura compris. J’en recopie la chute, pour laisser entendre cette voix :
A Idelsbald près de la mer qu’on voit tourner la feuille des saules
Par son vent, sous un auvent de tuile rouge, s’enfonce sous terre
Une caverne veloutée, maison fait algue de mer ensemencée
Par le pollen des lys. Les yeux ouverts du rêve vous y regardent
Sur les parois, qui sont comme fenêtres découpées dans la nuit.
Bleu contre noir, nœuds violets aux cheveux noués ces déesses,
Ces algues faites femmes ont des queues de sirènes pour jambes.
Combien de temps encore marcherons-nous masculins vivants,
A l’envers de l’évolution ? L’eau monte, l’eau monte plus haut que
Nos bouches, ah ! quelle angoisse si la laitance blanchâtre du frai
Freinant nos machinations autour d’Eve, effraie nos manigances.
Repères : Jacques Darras : L’embouchure de la Maye. Le Castor Astral & In’hui éd. 282 p. 17€. J’emprunte le titre de mon article à une déclaration de l’auteur, dans sa note de présentation de la troisième section, assurément la plus personnelle : Mon père et ma mère sur la plage de Calais.
Du même auteur : L’Indiscipline de l’eau. Coll. Poésie / Gallimard.
[1] – titre qui ne figure dans son intégralité qu’à l’intérieur du livre. Sa réduction en couverture correspond beaucoup moins avec la présentation de l’auteur en tant que poète littoral.
Les appréciations de Sophie-Marie Van der Pas
Polder 201 : Sur mon chemin, le fleuve, de Marianne Duriez :
Lire la suiteLe voyage en Afrique regorge de parfums et de couleurs, un vocabulaire local qui m’inciterait à quitter le...
Trimestrielle, Décharge est avant tout une revue papier, non virtuelle, créée en 1981. Longtemps célèbre pour sa couverture kraft, éditée depuis le numéro 100 avec l’estampille du Dé Bleu, jusqu’au n° 144 fin 2009, puis à présent par abonnement direct, elle est devenue au fil des ans le rendez-vous attendu de l’actualité poétique, avec ses 152 pages bien tassées, chaque trimestre. Elle atteint le 200° numéro en décembre 2023.
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L’important, c’est Décharge – revue de poésie qui vient d’atteindre ses 42 ans d’âge. Et son 200 ème numéro sortira au mois de décembre 2023. Jacques Morin dirige la revue qu’il a créée en 1981. Alain Kewes et Claude Vercey sont venus l’épauler, auxquels se joignent une poignée de chroniqueurs fidèles et intermittents.
Décharge est une revue d’actualité poétique, attentive à la fois aux jeunes pousses (le « choix de Décharge »), aux publications récentes (le « Diaphragme » de Jacmo, tandis qu’Aka opère « à l’Œil nu ») ; elle crée l’événement par ses dossiers pertinents et impertinents, visant à repérer les valeurs notables de la poésie française, et s’ouvrant sur l’Europe (poésie allemande, polonaise, italienne, grecque...) et notamment sur un poète étranger choisi par Yves-Jacques Bouin (rubrique « Des voix venues d’ailleurs »). Elle mène enfin un travail critique et d’investigation dans le milieu poétique (les « Ruminations » de Claude Vercey).
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La route inconnue : l’émission de Christophe Jubien sur Radio Grandciel. Décharge en est partenaire. Chroniques de Jacques Morin et de Louis Dubost, en alternance avec Claude Vercey, , tous les quinze jours.
Le site de Renaud : pour découvrir les autres travaux du concepteur de notre site.
Site de la Poéthèque de Villefontaine : www.revues.lacavelitteraire.fr : toutes les revues de poésie y sont répertoriées. Un outil de recherche à utiliser sans modération.
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Commentaires
9 septembre 2018, 10:33, par Compère-Demarcy Murielle
« Je suis un poète du littoral », affirme Jacques DARRAS dans ses entretiens avec Yvon le Men publiés aux éditions
A propos de son œuvre colossale autour de La Maye, le même Jacques Darras s’est lancé depuis longtemps, et consciemment, dans une entreprise singulière « suicidaire », dans le sens où la publication de celle-ci (ne répondant pas aux canons commerciaux en cours dans la Cour poétique ni aux attentes édidotiales), et par conséquent la défense de sa cause, n’étaient guère gagné d’avance. Le Poète d’Arras a cependant persévéré, tenu/mû opiniâtrement par l’envergure de l’édifice à lancer dans le ciel poétique, contre vents et marées, cela depuis sa station en perpétuel mouvement et incessante évolution positionnée sur le littoral.
Jacques DARRAS -merci à Claude VERCEY de le rappeler- est, oui, « sans conteste une des figures majeures de la poésie d’aujourd’hui ». Murielle Compère-Demarcy (MCDem.)