Je viens vous annoncer qu’il reste
Sept poissons dans la mer
Dix-neuf euros pour la fin du mois
Cent trois maisons en feu dans le paysage
C’est pour découvrir de telles merveilles, si bien ajustées à notre temps, que nous parcourons les centaines de pages des anthologies comme celle que cette année encore, la septième, Jean-Yves Reuzeau nous propose sous le titre d’Esprit de résistance, aux éditions Seghers, convoquant 118 poètes afin de rendre compte de la vitalité de leur art.
Parmi ceux-ci, Charles Juliet, à qui l’on doit la première citation et qui, à l’instar de Guy Goffette, Annie Lebrun, Jacques Reda, Jacques Roubaud, jette un dernier éclat avant de prendre congé. A côtés de ces voix majeures qui se sont tues, d’autres, méconnues jusqu’ici, se révèlent, comme celle de Pauline Picot, à qui l’on doit les quatre vers de la seconde citation.
Ces quelques noms suffisent à donner une idée de la diversité des voix ici assemblées, diversité de formes et de tendances, voix venues de tous les horizons du monde francophone, que Jean-Yves Reuzeau s’efforce d’unifier sous une thématique unique : Esprit de résistance, qui rompt avec la tradition, qui voulait que l’anthologie soit orientée par le mot d’ordre du Printemps des poètes, lequel cette année se voulait volcanique. Les efforts de Linda Maria Baros, nouvelle directrice de l’association comme on sait, pour nier ce découplage, ne convainquent guère, la poussent à soutenir que l’esprit de résistance est intrinsèquement volcanique, ce qui semble pour le moins discutable, sinon une contre-vérité.
Esprit de résistance, donc : ce titre a l’avantage d’insister sur le fait que l’anthologie est désormais publiée par les éditions Seghers, ce qui peut être considéré comme un retour aux sources, faire de Reuzeau un héritier de Pierre Seghers, éditeur des poètes de la Résistance, initiateur de la collection Poète d’Aujourd’hui comme du bilan de l’Année poétique, ces trois termes mis bout à bout constituant l’intitulé de l’ouvrage.
Celui-ci nous mène, selon l’ordre alphabétique, d’Adonis (comme souvent) à Clara Ysé, une nouvelle venue, représentant la part accordée par l’anthologiste aux poètes de la chanson ( on en trouvera d’autres, comme Arthur H ou Arthur Teboul), suivant une pente qui était aussi celle de Pierre Seghers. Aux lecteurs et lectrices d’aller dès lors braconner au travers de cet ouvrage giboyeux, que chaque année nous saluons comme il le mérite, où se mêlent les poèmes de ces incontournables que sont, entre autres, William Cliff et Jacques Darras, Vénus Khoury Ghata et Abdellatif Laâbi, Ariane Dreyfus et Albane Gellé, ceux des compagnons de route que nous sont François de Cornière, Jean-Pierre Siméon, James Sacré, des valeurs ascendantes : Milène Tournier et Guillaume Decourt, Blandine Merle et Grégory Rateau, récemment mis en avant par nos propres I.D, d’Anna Ayanoglou et Alexandre Bonnet-Terril, lequel (anecdote, j’en conviens) a perdu son titre de poète le plus jeune de l’anthologie au profit de Falmarès, né en 2001, migrant venu de Conakry et qui nous interroge : pourquoi je suis toujours sans papier (…) L’exil n’est-il pas un métier en tension ?
Un dernier constat, auquel nous mène également notre activité d’éditeur avec la collection Polder et que Jean-Yves Reuzeau relève dans son introduction : la place prépondérante prise par la poésie écrite par les femmes. Citons pour exemples celles que les différents prix ont couronnées durant ces derniers mois, à commencer par Michèle Finck, prix Apollinaire. Et encore Blandine Merle (déjà citée), Gaëlle Fonlupt, Hélène Dorion, Jennifer Grousselas, qui prennent place désormais aux côtés des Patricia Castex Menier, Estelle Fenzy, Sophie Loizeau, Laura Vazquez, bien connues.
Enrichissez-vous ! Lisez la poésie d’aujourd’hui !