Faut pas, un pastel d’Alain Simon
Récemment reçu : de la part d’Alain Simon et d’Anna Jouy, une invitation à leur exposition commune « La Mort est plus futée qu’une souris » (pastels et poésie) du 6 mars au 2 mai 2009, à la Bibliothèque Municipale de Fribourg (Suisse). Et je m’en réjouis, moins de l’information elle-même que de ce que ces deux artistes prennent la peine de m’informer, laissant à penser qu’ils n’ont pas traversé nos publications comme on prend une chambre dans une auberge, de celle qu’on oublie si tôt rendue la clé. Tel est bien le sort de l’éditeur, que d’ailleurs je ne suis pas : certains auteurs séjournent un minimum de temps, pressés de poursuivre leur voyage dont reviennent ici et là les échos, aux hasards d’une brève ou d’une note de lecture ; pour d’autres leur séjour, même en des lieux aussi modestes que les nôtres, continuent de leur importer, et demeurent un lien, une complicité : de leurs prochaines étapes, ils n’oublient pas d’adresser un signe, quelque chose comme une carte postale, à ceux qui les ont un jour hébergés.
Alain Simon et Anna Jouy, donc. Inséparables, ces deux là, on dirait. (« On dirait », parce qu’en vérité j’en sais foutrement rien, s’ils se sont un jour approchés, rencontrés, quand pour ma part je n’ai croisés ni l’un ni l’autre). Mais bon !, pour en rester au plan qui est le nôtre, celui des livres, leur aventure commune a commencé en avril 2008 avec le Polder 137 « Ciseaux à puits » d’Anna Jouy, préfacé par Alain Simon, première manifestation publique du moins, puisqu’on trouve traces de premiers échanges, ainsi que les premiers poèmes de la dite Anna, sur le site d’Alain le Salé .
A propos de ce Polder, Guy Ferdinande aura été le premier à le saluer, dans l’Igloo dans la dune de Janvier 2009, en son numéro 94 décliné sur le thème de nos Cinémas. Ciseaux à Puits, est-il observé, "fait montre de beaucoup de punch. Le silence est requiem, la mémoire turquoise, chaque désir du cerf régénère la forêt ou encore « quand une femme coule, on dit qu’elle est en chaleur, / sans chuchoter moi je dis qu’elle écrit ... » : c’est comment dire assez charpenté, et même puissamment imaginé. Dans la veine d’auteurs comme Catherine Mafaraud ou de Michèle Caussat..." On sourira de ce rapprochement, par lequel Anna Jouy reçoit une fois de plus le compagnonnage des auteurs du Pont de l’Epée , après qu’Alain Simon l’a comparée à Marie-Françoise Prager (et j’en profite pour noter que les œuvres complètes de cette dernière viennent d’être rééditées par Christian Dufourquet aux Editions de l’Arachnoïde fin 2008)
Ceux qui ne pourront se rendre à l’exposition de Fribourg s’en tiendront au recueil publié pour l’occasion au Pas de la Colombe, sous le même titre : La Mort est plus futée qu’une souris. La quatrième de couverture lève un peu le voile sur la mystérieuse Anna, dont Ciseaux à Puits est bien le premier opus de poète, mais, apprend-on, « plus connue à Fribourg sous le nom de Colette Gaillard pour ses romans policiers et ses prestations théâtrales ». Recueil curieux : écrit à deux voix par Anna Jouy et Alain Simon, il met en évidence l’écart entre deux mondes, est-il dit, et il est vrai que le dialogue attendu tourne au duel, à fleurets mouchetés certes, mais sans concession, entre l’homme et la femme : le premier, affectueusement condescendant, d’un donjuanisme bourru dont il joue avec la grâce d’un homme de guerre tenu aux civilités de la cour :
Te voici dans tes états petite souris
c’est l’heure où s’abandonner
en tout cas de léguer l’innocence aux portes de la nuit
aux irrévérences et chatouillis de fesses
à cette virtuosité d’incomprise surtout quand tu as faim
de fromage et moi de galette royale
la seconde cherchant la parade, point dupe, tenant sa partie mais se refusant autant à poursuivre sur le même ton qu’à rompre l’échange : Ah ! Paradoxe ! qu’il faille tant de chair pour dire un sentiment !... ou, pour conclure le même poème : Ai-je le choix ? Ou me le donnez-vous ?
On songe à une version réactualisée du fameux poème d’Hugo entre l’ogre de Moscovie et la fée, à la différence qu’à ce jour Alain Simon n’a croqué personne, sinon en peinture ou au pastel.
Références : Alain Simon & Anna Jouy : La Mort est plus futée qu’une souris - Le Pas de la Colombe éditeur ( 6 rue des Folies Chaillou – 44000 Nantes) 7€
L’igloo dans la dune n° 94 (Daniel Giraud, François Huglo, Philippe Lemaire, Dan & Denis & Julien Ferdinande, Michel Debray etc) 10 € - 67 rue de l’église- 59840 – Lompret.
Dossier Alain Simon – in Décharge 133 – mars 2007 – 6€