Nicolas Schoener aime les mots à la manière d'un joailler ou d'un collectionneur de fossiles. Il les assemble en des objets colorés, excentriques par rapport à la production poétique actuelle. Le Cabinet de curiosités est le titre, d'une forte pertinence, d'un premier recueil, demeuré inédit ; mais ce serait à désespérer des éditeurs et des revuistes si le lecteur ne trouvait à en lire davantage, ici ou là, dans un avenir proche.
Poète
Un peu de braise incandescente et du savon,
Une bande magnétique sur le carrelage de la salle de bain
Je caresse le gras de ma cuisse, parfum vanille.
Vaisseaux sanguins bouchés, un filet d’huile,
Un avion qui passe dans la nuit.
Mouiller les lèvres, battre le sang.
Le poète essaie d’attraper le serpent
Qui le mord, chaque fois, au bras.
Fanfare
Un autre jour, entre des murs d’un mycénien factice,
Sphinx toc, colonnade faux Memphis,
Et sous le jazz un cortex, une rigidité ou fixité,
Coquille de l’ancienne maison.
Ezra Pound, Ébauche de Cantos.
Jazz négatif par éparpillement de nénuphars
Ou noyau dur de pyrotechnie naïve,
Les peaux résonnent comme un dialogue,
En guirlandes de craquements austères.
Guillotine de menhir, assouvie sans arrêt,
Collectionneuse de minauderies agiles,
Le souffle rieur de la suggestion coquine
Survole les enlacés qui n’ont de haine que totale.
Dans les journaux les arguments bataillent,
Insultent, palabrent, exposent, insistent.
Mais, calme, l’ancêtre fait la moue, vigile désabusé.
Tranquille et responsable, pontifical, pourrissant.
Il a beau projeter des furtifs, il songe sans sourciller
Aux doutes paradisiaques des tendrons.
Fanfare sûre d’elle, cercueil répétitif, cuve d’eau de vie,
Rien n’est trop beau pour l’agonie.
Urine chaude libre et extatique,
L’horreur d’une robe plissée rouge superpose
Son jupon de châtaigne et sa bogue de coiffure,
Pelote d’épingles à l’ongle du ruban.
En lire plus : Trois textes prévus en Mai dans le prochain numéro des "Cahiers du Sens ", trois autres dans le prochain numéro de "A l'Index ".