Marcheur et poète. Bientôt dans un prochain Décharge, ce thème sera décliné à travers diverses contributions. En dernière minute, cet envoi de Jeanine Baude.
Charrue labourant la mer
A l’amble de tes pas, le temps,
le sens qui dévide sa quenouille,
les fils entremêlés du soir, du matin,
sans une ride, dans le jour qui s’allonge
sur les jupes, les cuisses ferventes,
l’éclosion d’un peu de chair sur le
silence.
Tout résonne. Tes membres gourds
ta sueur. Sur tes lèvres le sel d’une
étreinte
la rumeur océane sur le varech,
la pluie des îles. Tout. Isolée, retenue
à ce roc ténu, le sable dérivant
sur une grève à peine visible.
Tu te déplaces, assurant la protection
de tes pas, dans une brume d’olivaie
noire, dense. Tu attends la récolte.
Ce qui vient, dans la répétition des
gestes,
si la base et le sommet se confondent
à même les visages, la main leste,
les points cardinaux desserrant leurs
fers,
la foudre sous l’éclair annonçant
l’amour,
la traversée du signe, l’écriture tardive,
d’un seul jet, pourtant, dans le repos
de la chambre, son oisiveté native,
sa demeure. Tu tiens le cap.
Charrue labourant la mer, le lit,
les certitudes, tu charges ta durée
d’un cri de geai sur l’aire d’une
chevelure,
délivrant la phrase de ses ors
enténébrés
de ses lueurs inutiles, soulignant ses secrets,
ajustant de la pointe du compas sa ligne
de vie,
son errance, ta marche. Ton horizon sur
la page
devenu soif, écrin de mots, sauvetage
dans le risque, l’adoubement, l’envol
d’une épopée. Le juste tremblement des
confessions
humaines, la rive d’un frisson, l’écho
d’une bataille
sensuelle dans la pleine force du rêve
et de ta nudité.
Jeanine Baude (inédit 2011)
Rapprochement : Sur le même thème, lire Sylvie Durbec et le poème des I.D n°248 et 248bis .
Sur Jeanine Baude : I.D n° 276