Existe-t-il un manuscrit complet sous le beau titre de Tristes garçons, la mer ? Par delà sa mort (rf : I.D n° 327 ), Alain Simon nous réserve sans doute bien des surprises. Pour l'heure, à notre connaissance, Tristes garçons la mer constitue un petit ensemble inédit, dont nous extrayons ici le premier poème, « trop simonien » selon l'appré- ciation de l'auteur lui-même, qui le dédiait ainsi : « pour reconstruire le bleu dans une maison sans fenêtres et sans porte. »
Silvaine Arabo, responsable des éditions de l'Atlantique, m'informe par ailleurs que le poète, juste avant son hospitalisation, avait signé auprès d'elle le contrat de son futur livre : « Le peigne dense ». De quoi nourrir à coup sûr l'hommage que Décharge ne manquera pas d'adresser à Alain Simon dans une livraison prochaine de la revue.
Lenteur mais beaucoup trop machinale
Laissez-moi rire moi le briseur d’églises
le pilleur d’épaves (on le dira plus tard)
Trop pour qui décline facilement son
identité
évidemment c’est un jeu suspect : ainsi
je fus
au déroulement d’un paysage fait
d’épuisantes gouttes
avec toujours plus de cris petits
pépiements d’échos
Et sous la dent comme le même rappel
de ce qui faisait ombre heureuse
déjà regain de mille terrasses possibles
— entrevues utiles
avec faveurs accordées comme échos
quand on est encore gniasse
quelque part dans le Sud près d’un fort
carré
avec fossés et énigmes de suicide
Mais ces concerts qu’on déclarera
confessions
sans jamais prononcer le mot seins
même si l’obsession des tartines
beurrées
et de la poudre de chocolat maintient
en vie
on sait que ça freine sur le ciment avec
tout un gain de pluie heureuse
quand ça vient mais ça ne vient pas
toujours alors on deviendra artiste
autrement dit chat indocile faussement
désinvolte
et pourtant rien n’arrêtera le rythme de
la langue
qui prend soleil et allure de cristal sec
Rien même pas l’élégance d’une
couture nuageuse
ou l’insolite d’une épluchure de patate
dans une rue abandonnée
près de remparts à l’Italienne et que des
enfants chialent
l’œil sale pour avoir trop ignoré l’azur
dans ses mots
dans la géométrie des dimanches ça
viendra plus tard le mauve
d’une échine cuite à point sur des
serments du genre je te friserai
toujours
de quoi enfanter
Mais j’étais déjà beaucoup plus
étranger que ces compagnons
connaissant le secret des chevelures
autrement dit l’absurde
magnifique de la mer
(Alain Simon extrait de
TRISTES GARÇONS, LA MER,
ensemble inédit)
Actualité : On pourra lire une chronique inédite d'Alain Simon : Dernière nouvelle de Bouton d'Or, à propos d'Yves Martin dans le prochain numéro de la revue Décharge (à paraître fin mai - n° 150)
Après coup : Jusqu'à quelques jours de sa mort, Alain Simon aura travaillé aux manuscrits de "Le peigne dense" , à paraître aux éditions de l'Atlantique, et de "Tristes garçons, la mer", que publiera la Galerie-Librairie Racine, sous une préface de Cathy Garcia.