Fort des vingt ans d’existence de ses éditions Gros Textes (I.D n°401 & 401bis ), Yves Artufel se multiplie dirait-on, ne se contentant plus de prendre en charge la poésie tombée de la dernière pluie, mais s’efforçant à présent de pallier les défaillances et insuffisances des collections de poche, auxquelles il incomberait, comme il semble, de rééditer les œuvres significatives du passé.
Convenons que cet activisme nous apporte dans l’immédiat un beau cadeau, que l’on espérait plus, avec La meilleure cachette c’était nous, titre un peu alambiqué qui cache la reprise en un volume de quatre livres : Faire un tour, Un poil dans l’âme, Les jupes noires éclaboussent et Le château à roulettes, le socle même de l’œuvre de Jean-Michel Robert, tenue depuis longtemps hors de portée du lecteur.
On lira dans un Décharge prochain un dossier sur Jean-Michel Robert. Pour l’heure, (et pour mémoire), quelques poèmes extraits du recueil : Les Jupes noires éclaboussent, dont l’édition originale, aux éditions de La Bartavelle, date de 1991 :
Papa allait à l’usine, maman faisait un petit frère, on écrasait les araignées, on voulait une petite sœur, on écoutait les voisines folles, elles criaient sous la terre, on tuait mémé en duel, papa revenait de l’usine, on giflait le petit frère.
On guettait les minijupes, on s’allongeait sur leur chemin, on se laissait piétiner le front, elles ne s’apercevaient de rien, elles s’éloignaient en fredonnant le petit air Dim.
A l’heure de la sortie les mères attendaient devant l’école, on les observait bien dans la plupart des cas on l’avait échappé belle.
On saupoudrait à notre goût certains films d’innocente aventure, on retouchait, soufflait un vent sournois dans la course de la blonde héroïne, on attisait sa fuite, quelques branches épineuses martyrisaient sa robe, les chutes s’éblouissaient de cuisses, elle avait beau brouiller les pistes, semer des ruses, les méchants la rattrapaient toujours, éparpillaient toute sa pudeur, la nudité hurlait des Au secours somptueux, mais le gentil n’arrivait pas, on ne pouvait pas être partout à la fois.
Papa faisait la grève, maman l’aidait, ils gardaient l’usine, déroulaient colères et drapeaux, on jubilait, c’était un peu la guerre, ils défendaient le pain de leurs enfants, le pain on voulait bien, pas les endives, mais papa condamnait les tendances.
En 52 avant Jésus-Christ Vercingétorix se rendait à César, poil et regard somptueux, ses armes cliquetaient de soleil, son cheval cabrait des avalanches, on préférait cependant Sainte Blandine, une blonde adorable, on ne comprenait pas les fauves, nous on l’aurait au moins mordue, pour Jeanne d’Arc pas la moindre salive, rien, on approuvait les cendres.
Jane laissait briller beaucoup de peau, Tarzan ne semblait pas s’en rendre compte, toujours à s’occuper de bêtes et de justice, c’était un mec trop bien, ne pensant pas à mal, nous on était nettement moins bien, surtout dans la jungle, mais la plupart du temps on était en banlieue.