Pascal Commère
Dijon - décembre 2012
Rendre compte de l’œuvre de Pascal Commère ne m’est pas la chose la plus facile, d’une certaine façon je la connais trop, et l’auteur, dès ces années d’apprentissage, la première partie de sa vie qui se déroula à Dijon, avant qu’il ne retourne au milieu des Charolaises (nous parlons de vaches ici), sur les lieux de son enfance, exercer son métier comptable. Au temps de Noah, la revue, où se côtoyaient Raoul Becousse, Serge Wellens, Christian Caillès, nous œuvrions souvent au coude à coude, aux fins de rendre à la poésie ses dimensions publiques : nous n’étions pas si nombreux alors à croire dans ses actions. Pascal Commère a pris à la suite une certaine distance (géographique, d’abord) avec l’activité collective pour se consacrer en toute priorité, et il fit bien, à son œuvre, - saluée bientôt comme une des plus fortes de son temps, croisant en chemin celle d’André Frenaud, s’y fortifiant, enracinée comme elle à un territoire somme toute étroit, mais prenant le risque de l’écriture, d’une belle densité et tellement reconnaissable, dès les premiers vers :
Parmi les génisses aimées et leur regard – celles
dont le poil est mouillé par l’hiver (ou d’autres
les ont léchées) et dresse et fait des queues près
du hangar
où la rouille mord, comme au fond des cours
les orties à tête d’aïeules, le matériel
lourd (cover-crop, vibroculteur, mots comme des
dents)
ou, plus tard, malgré le vent couchées au milieu
comme des pains, les têtes, un instant m’arrêter
quand passe le matin devant le garçon qui louche
enfant maigre aux jambes courtes sur son vélo
comme un trop vert poème par à-coups qui
avance,
le car de ramassage ou, là-bas, un gyrophare
lentement sur un tracteur bleu qui brille, et sentir
la terre qu’on entrevoit entre l’orge qui trace.
Derrière l’herbe du bord : un village, et l’unique
barbelé resté accroché - mais comment, à trois
piquets fendus presque de haut en bas, où
trouver – maintenant, lentement, sous ses
vergers
couché – quelqu’un nous attendant qui n’est pas
mort.
(Pascal Commère : Tapisserie pour aller à la rencontre d’André Frenaud par les villages )
Aujourd’hui sort dans la collection Les analectes, pour la réussite de laquelle s’associent Obsidiane et Le temps qu’il fait, et qu’a significativement inauguré Frank Venaille, autre poète admiré, phare des moins contestables pour notre génération, un volume anthologique de 398 pages, sous le titre : Des laines qui éclairent, - un monument. Grâce auquel je refais le parcours qui de 1978 à 2009, d’Initiales du temps des Cahiers Froissart à Tashuur des éditions Obsidiane, en passant par ces étapes capitales chez Yves Prié (Folle Avoine) et de chez Thierry Bouchard, plus tardivement du Dé bleu (on parle ici de poésie, non des récits ni des romans). Je regretterai seulement que manque le nom de Jean Le Mauve et ses éditions de l’Arbre (d’Ici, l’auteur retiendra cependant la lettre à la mère dans Mémoire de ce qui demeure, qui sort conjointement chez Tarabuste) ; ni qu’on n’y trouvent pour conclure quelques inédits pour notre curiosité.
Prochainement, dans la revue Décharge, un dossier tout autrement étoffé que ces quelques lignes marquera l’événement.
Repères : Pascal Commère : Des laines qui éclairent – Une anthologie 1978 – 2009. co-édition Obsidiane / Le temps qu’il fait. Coll. Les Analectes. 28€
Du même auteur : Mémoire, ce qui demeure. Ed. Tarabuste – 192 p. 11€
Pascal Commère appartient désormais au comité littéraire de la sonothèque littéraire Secousses, http://revue-secousse.fr/ : avatar électronique et sonore de l’ancienne revue Le Mâche-laurier des éditions Obsidiane, - et toujours sous la direction de François Boddaert.