Ce mois d’octobre 2013, Jean Rousselot aurait eu cent ans. Une pensée pour ce grand aîné qui nous a accompagnés avec bienveillance, contribuant volontiers à notre revue de toutes les façons : inédits, interviews, lettres personnelles. L’occasion serait belle pour redonner une actualité à l’œuvre de ce poète, en tenter une réévaluation. Ou faut-il considérer qu’elle compte désormais Pour du beurre ?
Comment en vouloir à ceux
Qui me comptent pour du beurre
J’ai moi-même tant de mal à croire
Que j’existe tout comme
Les gens dont les chaussures
Passent devant mon soupirail
Relisant Lucrèce
Ou gribouillant encore un peu
Allez je m’arrange au mieux
De n’être là pour personne
Hormis l’orphelin sauvage que je demeure
(Pour du beurre
– extrait du recueil Est resté ce qui l’a pu,
Autres temps éd. - 2002)
Ce poème de Jean Rousselot, d’une auto-dérision lucide – il se livrait à cet exercice à intervalles réguliers, de même manière qu’un peintre interroge ses autoportraits – appartient au court florilège offert en ouverture de la 120ème livraison de Décharge, de décembre 2003, sous le titre : Bon anniversaire Jean Rousselot. « Je m’en serais voulu que Décharge ne marquât même faiblement le quatre-vingt dixième anniversaire de Jean Rousselot qui depuis longtemps accompagne notre publication », écrivais-je alors, entendant ainsi lui marquer notre affection et notre fidélité.
Il n’est nullement dans nos habitudes de célébrer la date de naissance des poètes, on en conviendra. Or, ce n’est pas une fois, mais deux, que l’anniversaire de Rousselot fut ainsi mis en avant : la fois précédente, la formulation l’interpelle carrément sur la couverture. Et dans ce n° 79, de septembre 94, Jean-Claude Martin exprimait notre sentiment d’alors : Jean Rousselot n’a pas encore la place qu’il mérite, se désolait-il. Si l’on songe à l’une des collections les plus répandues en librairie (Poésie Gallimard), les contemporains actuels (?) ne sont représentés que par des auteurs-maisons […]. Quelle tristesse !
Nous portions, c’est vrai, une considération toute particulière à cet auteur qui nous importait par son œuvre, mais aussi par une constance exemplaire à servir la cause de la poésie. Sans doute étions-nous également touchés de voir de son vivant son étoile faiblir : écarté du bilan établi en 2000 par le Magazine Littéraire, oublié par les anthologies Gallimard et de la Pléiade, il s’en montra blessé : on élimine systématiquement les poètes qui ont fait, en dehors de leurs œuvres, des livres sur les poètes, la poésie etc… Exemple : Clancier, Sabatier, Bosquet, Dobzinsky, Orizet et moi ! (Lettre reproduite dans Décharge 112 - décembre 2001)
En cette fin d’année 2013, la mémoire de Jean Rousselot sera cependant ravivée à la maison de la poésie de Poitiers, où le 4 décembre le fidèle Jean-Claude Martin recevra Anne-Marie Rousselot, fille du poète, ainsi que François Huglo, pour la sortie du premier tome du Journal. A St Quentin en Yvelines, où il vécut de 1955 à sa mort (2004), des manifestations à la médiathèque (elle porte son nom) et à la maison de la poésie l’auront célébré pendant un mois, à partir du 18 septembre.
Centenaire : En cette même année 1913 naissait le poète Gaston Criel. Mort en 1990. « Une vie tumultueuse, pleine de rencontres importantes, de métiers et de livres. Un grand, grand poète. », écrit Jacques Morin quand il le présente dans l’anthologie Génération polder. Car Criel croisa notre route, il publia plusieurs fois des poèmes dans Décharge, et en 1987 A tout va dans la collection Polder (n°39), où il se fera par la suite préfacier de Pascal Ulrich (Retournez à la case439 des l’I.D ).
Jacques Lucchesi, qui entra en correspondance avec Gaston Criel au milieu des années 80, grâce à leur fréquentation communes des revues et fanzines nordistes, dont le Dépli amoureux, de Guy Ferdinande, évoque à bon escient ce baroudeur des lettres dans le n° 53 de Traction-Brabant (chez P. Maltaverne – 4 Place Valladier – 57 000 – Metz).