Jean Métellus est mort le 4 janvier 2014. Hommage lui est rendu ce jeudi 6 mars à la Maison de l’Amérique latine à Paris. Il m’a semblé à propos que Décharge se joigne à cet hommage en revenant à son numéro 139, de septembre 2008, qui présentait une suite de poèmes alors inédits de Jean Métellus, des réflexions recueillis lors des rencontres du poète avec le public de la bibliothèque d’Auxerre et avec une classe de lycéens, avant qu’Alain Kewès, qui avait été la cheville ouvrière de l’événement, rende compte de l’ouvrage de l’écrivain haïtien, Jacmel, toujours, à la gloire de sa ville natale ( Les éditions du Janus - 2007).
Ci-dessous, les principaux extraits des propos tenus par Jean Métellus, en ce Printemps des poètes 2008.
Jean Métellus : « On peut remarquer que poésie et médecine font bon ménage dans l’histoire littéraire. On songe à Breton bien sûr, mais aussi à Victor Segalen, à Carlos Williams, à Lorand Gaspard plus près de nous. Pour ma part, je dois préciser que je me suis vite spécialisé dans la neurolinguistique et les troubles du langage. Ce n’était donc pas si éloigné de l’écriture.
Le langage, c’est toute ma vie. Professionnelle d’abord. (…) En tant que médecin, je n’ai pas cessé d’essayer de libérer la parole, je n’y suis pas toujours parvenu mais quand un enfant, au bout de mois, d’années de traitement, recommençait enfin à parler, à sortir de sa prison de mutité, je crois que je faisais œuvre aussi de poète.
S’agissant de l’exil, je ne suis pas à proprement parler un opposant. Je suis parti parce qu’il n’était plus possible de travailler à Haïti., à faire ce que j’aimais. Je savais aussi que tôt ou tard le régime de Duvallier viendrait me chercher dans mon école, mais je suis parti avant que cela n’arrive.
Je retourne quelquefois en Haïti, mais là-bas je ne suis rien, personne ne m’y attend, ne m’y connaît . En réalité, je pense que je n’y suis pas le bienvenu. Tous les exilés connaissent cela … Pour ceux qui sont restés, nous sommes un peu des fuyards, des déserteurs, nous n’avons pas vécu ce qu’ils ont vécu, notre vie souvent a été meilleure, et on nous le reproche, plus ou moins ouvertement.
Je rêve en créole, je le parle couramment, mais non je n’écris pas en créole. Ce n’est pas une langue écrite, c’est la langue du peuple, elle est par nature, par l’histoire, uniquement orale. Ecrire en créole pour moi serait un artifice, une posture, presque une imposture.
– Ce qui est paradoxal , c’est qu’en écrivant en français, vous inventiez une poésie très orale …
C’est la preuve que je n’ai pas besoin du créole pour parler au peuple et que les formes traditionnelles françaises et européennes me permettent tout à fait d’exprimer ce que je veux dire. Oui Voix nègres, voix rebelles a une fonction didactique : j’ai voulu rendre hommage à quelques grands hommes de l’histoire noire et faire connaître leur vie …
– On remarque à ce propos que dans Voix nègres, voix rebelles, parmi tous les Noirs, il y a une fève, un Blanc, tout seul : Che Guevara.
Son influence sur la Caraïbe et toute l’Amérique latine est immense. Son combat n’a pas de couleur. Che Guevara aurait mérité d’être noir, il l’est à titre honorifique. »
(Jean Métellus – in Décharge 139)
Repères : Décharge 139 – 6€ à l’adresse de la revue, 4 rue de la Boucherie, 89240 – Egleny. Outre Jean Métellus, au sommaire : Eric Sautou par Ariane Dreyfus ; trois poètes italiens : Carlo Bordini, Mauro Fabi, Andrea Di Consoli ; Christophe Manon et Saïd Mohamed.
Voix nègres, voix rebelles, voix fraternelles , de Jean Métellus : éditions Le Temps des Cerises .
Hommage à Claire d’Aurélie : L’éditrice des Paupières de terre est morte le 14 janvier 2014. De la même manière que nous venons de le faire pour Jean Métellus, le blog Terre à ciel, dans son dernier numéro, lui rend hommage en publiant un entretien de Claire d’Aurélie à Sabine Chagnaud : http://www.terreaciel.net/Hommage-a-Claire-d-Aurelie#.UxG99MKYapo