Dans Décharge 128, de décembre 2005, Georges Cathalo publiait un tableau, non exhaustif précisait-il, résultat d’une recherche personnelle, des poètes (mais débordant quelque peu du côté des écrivains et romanciers) ayant publié sous pseudonymes depuis 1900, tableau précédé de notes et réflexions apéritives : un beau lièvre en vérité que cette question du nom de l’auteur, des pseudonymes et alias, sur laquelle de loin en loin revues et publications reviennent, cet intrigant sujet paraissant inépuisable. En dernier lieu, à la date du 15 octobre 2013, la Gazette de la lucarne n° 63, avec L’Emploi du pseudo en littérature, où étaient évoqués quelques incontournables : de Molière à Romain Gary en passant par Georges Bataille, Boris Vian, Fernando Pessoa ou Yasmina Khadra. Georges Cathalo quant à lui rappelait quelques antécédents, se plaçant dans la lignée du Pilon qui publiait, en sa livraison 27, dix poètes sous pseudos, et du n° 7 des Cahiers de Pierre Béarn, plus informatif et s’en tenant à quelques exemples connus. Notre recenseur aurait pu aussi bien renvoyer à la revue Verso dont le sommaire à une certaine époque fleurissait de nombre de noms de fantaisies, ou à l’Invention de la Picardie, dans laquelle Pierre Ivart, alias Ivar Ch’Vavar, multipliait, de son propre aveu, les collaborateurs fictifs afin d’y paraître moins seul.
J’ai eu depuis lors le désir de prolonger ces préliminaires : notre ami en reste trop, selon moi, au niveau du constat et tend à sous-estimer le phénomène, le réduisant au rang de curiosité, plutôt piquante, mais somme toute anecdotique. L’Enfer de la Bibliothèque Nationale, relevait-il par exemple, est peuplé de mauvaises intentions et … de pseudonymes. Sans doute. Mais ne sont-ce pas tous les rayons de la dite bibliothèque qui en sont ainsi peuplés ? Que serait l’histoire de la poésie sans Apollinaire et Cendrars, Lautréamont, Aragon et Eluard ? Cette énumération, toute fragmentaire qu’elle soit, vaut démonstration. La question du nom de l’auteur est une question sensible. A tel point qu’elle provoqua débat au sein du comité de rédaction lors de la mise en ligne du fameux tableau sur notre site (on peut encore l’y consulter) : n’adoptions-nous pas en la circonstance l’attitude de la presse à scandale en livrant au public ce qu’un auteur souhaitait peut-être garder caché ? Question légitime, que je n’écarterai pas aujourd’hui du dossier à paraître.
La recherche du nom, autant que cet autre événement poétique intime qu’est le choix du titre (du livre ou d’un poème), me semble en réalité l’un des premiers événements d’importance dans la vie d’un auteur, moment décisif où il choisit d’être l’auteur de son nom. J’essaierai de le montrer, non pas dans l’espace restreint de cet I.D (le 500ème quand même, ce qui vaut la peine d’être marqué, même légèrement ! Et il me plaît, oui, que l’objet de ce cinq-centième Itinéraire de Délestage soit une question si ouverte), mais dans un dossier à paraître, certainement dans le Décharge de juin prochain, et qui sera grandement constitué par les témoignages de poètes eux-mêmes, dans l’esprit de l’initiative précédente, si bien accueillie, qui fut de poser la question : Pourquoi allez-vous à la ligne ?
Cette fois, la question sera : Pourquoi publiez-vous sous ce nom ? Et elle s’adresse à tous : publier sous son nom propre, ainsi qu’on désigne couramment le patronyme, est un choix, tout autant signifiant que de le faire sous pseudonyme : dans l’un ou l’autre cas - bien des histoires personnelles le montrent - cela ne va pas sans hésitation, délibération, remords, réticence, revirement. Est-on jamais sûr que le nom choisi soit le bon ? On lira dans Décharge 162 de premiers points de vue, ceux d’Anne Jouy, Murièle Camac, Patrick Dubost, Louis Dubost, Alexis Pelletier, Séverine E et ... Jacmo, bien sûr.
Rebonds prévisibles …
Repères : La question : Pourquoi allez-vous à la ligne ? fut débattue dans Décharge 160 et 161. Nombreuses contributions. N° 160 : 6€ ; n° 161 : 8€ , l’un et l’autre à commander au siège de la revue : Décharge – 4 rue de la boucherie – 89240 – Egleny. Voir aussi : I.D n° 469 .
Dossier : Nom, masque, pseudo (titre peut-être provisoire), dans Décharge 162 (à paraître) et suivants. On s’abonne pour 28 €, à l’adresse ci-dessus. (Voir l’onglet : abonnement ).
La Gazette de la lucarne : 2€. 115 rue de l’Ourcq – 75019 – Paris.
Le Pilon fut l’une des revues, éteinte aujourd’hui, animée par Jean-Pierre Lesieur.
La question du pseudonyme a forcément été abordée dans quelques I.D précédents : en particulier, à propos d’Evelyne Salope Nourtier et Louisa Ste Storm (I.D n° 489 ) ; du Mystère Von Neff (I.D n° 280 & 280 bis ) ; de Magnus Leengren et Romain Mathieux (I.D n° 286 ) entre autres.