Michel Valprémy (1947 – 2007) : « Il y a surtout un homme plus très jeune presque exclusivement vêtu de noir... »
Fragments d’un entretien avec Christian Degoutte. In Décharge 93 (Juin 1997). Poèmes de Michel Valprémy. Préface de François Huglo. Avec une lettre de Jean Rousselot.
Michel Valprémy :« ...Il s’agit de juxtaposer des mots, des expressions pris dans une sorte d’inventaire du commun, à des vocables, non pas savants mais généralement considérés comme précieux, et de tirer parti de ce hiatus, de cette perturbation...
...Il est vrai que dans ce qui appartient d’abord à la narration, je cherche une sorte de saturation de la phrase, du paragraphe, du chapitre, du livre tout entier (j’appelais l’Appartement moutarde : le massepain, un étouffe-chrétien) tandis que le travail plus spécifiquement poétique détaillerait, comme on trie, un bric à brac préalable, déviderait une pelote, ou, dans le meilleur des cas, tendrait à segmenter l’image, à démietter l’icône...
...Ce qui reste à mon avis dans la structure de mes textes, c’est une certaine idée du collage (de la citation) et singulièrement la chanson comme une surenchère – le chant dans le chant – sérénade, concert impromptu, résurgence d’un air ancien...etc. Il y a aussi la turbulence extérieure, ce qui vient, invisible, du lointain, de la coulisse : appels, cloches, fanfares, orages, rires, rumeurs de fête...
...Une affichette est épinglée sur le mur à gauche dans mon bureau : « Nous sommes tous des désespérés hilares », ce qui fait dire à mon chauffagiste : « Il ne me reste plus qu’à être hilare ». il y a donc un effort à faire. Et puis, tiens, un détail biographique. au théâtre on me surnommait "la Fée tragique"...
...Avec les déguisements on ne se cache pas, on endosse d’autres peaux. C’est ce que j’ai voulu dire dans Artabax, je ne suis pas un autre : je suis tous les autres (plusieurs) ou je suis moi parce que tous les autres, je peux l’être si je ne renonce pas. en réconciliant, ou plus en conciliant tous les pôles (variétés), il s’agit d’entretenir, de maintenir en éveil la critique de la normalité...
...Evidemment très vite, les sales petits secrets font surface, (cracher le morceau). Mais on reste c’est juste, dans l’éparpillement ou le conglomérat, le poudingue – amasser/déblayer -. Le fait biographique n’est pas détaché du décor. de son éclairage, voire de son éclairement. Et j’ajoute une foultitude de détails incongrus, dérisoires, qui apparemment n’ont rien à voir. ainsi ai-je pu parler de féerie du deuil ...
... Ce n’est pas l’âme mais le corps qui très tôt, trop tôt, fut livré aux répugnances (une boucherie). J’en ai déjà beaucoup parlé. On est au plus intime, à l’instant crucial (tout n’est pas débrouillé). Une image reste du corps intact. Il y tout ce qui s’abîme, se gâte, fane, pourrit (attraction/répulsions), il y a la page propre, régulière, où la rature, la tache la cicatrice sont le plus souvent domestiquée, un ornement...
...Je n’ai jamais pu prendre à mon compte ce qui s’écrit sur les souffrances de l’écrivain (le sang de l’encre, la parturition, etc...) Une rage de dents me semble toujours plus insupportable qu’un poème qui a du mal à venir... »
Références : "L’Appartement moutarde", collection Plis, - 1994 – réed. Ed. Opales 1995 ; "Artabax", dessins de Sébastien Morlighem, Chienne d’Arlésienne éd. – 1996