publié le 23 janvier 2017 , par dans Accueil> Les I.D
Je ne suis pas familier de l’œuvre de Christophe Stolowicki, mais je me souviens du poète d’Alix, paru à l’Idée bleue en 2008. Plus récemment, je le retrouvai préfaçant avec une redoutable précision Newton et Milo, de Patrick Le Divenah (polder 164). Ce goût du commentaire, on le retrouve plus aigu que jamais, en ces annotations de quelques lignes dont est constitué Rhizome, où est promue et illustrée une forme qui entend demeurer poétique par sa densité d’écriture, ses raccourcis et ses fulgurances, et que l’auteur nomme brève, à mi-distance de l’aphorisme (plus assez dru) et du haïku (et sa consistante inconsistance). Il faut s’y faire (ou jeter le livre) : les jugements y tombent raides, péremptoires, marqués d’une certaine intolérance. A l’ancienne, ai-je envie de dire. Ainsi à l’encontre de la poésie contemporaine – tout en performances - brusquant du néant, fardant du meilleur – se calquant binaire sur le rock plutôt que le jazz, invente une dérisoire parade à la désaffection populaire. Cependant Philippe Jaffeux, ses calligrammes interstitiels, qu’évide un logiciel, où le ranger ?
Au cours des quelque 20 pages qui constituent le livret, l’auteur va s’efforcer de serrer davantage la définition de la Brève : wagonnets prosaïques constitués en trains poèmes. Et encore : Brèves sans humour, à l’encontre du genre. Indubitablement. Mais n’est-ce pas dommage ?
Ce travail de prise de notes, travail de bénédictin, et de cristallisation d’une pensée en une formule impeccable, met en abyme les œuvres phares de la modernité, dans le domaine littéraire, philosophique, poétique, mais picturale aussi (Dali, Kandinski) et finalement du jazz, celui où à mon sens, l’auteur fait preuve de plus de finesse (peut-être est-ce seulement moins attendu) à propos de Coltrane ou de Monk : lequel a la touche si dure, si composite, d’une gaîté si implacable que le passé en rejaillit et culmine à l’apogée du blues : Blue Monk, écrit-il après avoir réécouté la prestation du pianiste, à San Francisco, 1969.
Mieux, quand Christophe Stolowicki rapproche et croise des œuvres, a priori étrangères l’une de l’autre, car appartenant à des expressions artistiques différentes : le monde culturel devient alors un échange d’échos, de répons, de correspondances : Henry Rousseau, dit par Jarry le Douanier Rousseau, ne sait pas mieux peindre qu’Ubu écrire, ni plus Rimbaud parler. Ou poète prolixe Yves Buin improvise sur les brisées de Monk. Le travail du critique devient ainsi un travail de traque, à suivre et identifier la commune étincelle créatrice à travers la chevelure secrète des rhizomes, dans leur profonde et vaste unité.
Repères : Christophe Stolowicki : Rhizome. Ed. Passage d’encres. (Moulin de Quilio – 56310 – Gern) 30 p. 5€.
Patrick Le Divenah : Newton et Milo, préface Christophe Stolowicki (polder 164), 6€, à l’adresse de la revue Décharge (4 rue de la boucherie – 89240 – Egleny). Pour de renseignement : cliquer sur la page d’accueil du site l’onglet s’abonner.
Dans la même livraison de Passage d’Encre : 9 h 50 à l’Hôtel-Dieu, de Guillaume Decourt (voir l’I.D n° 667 : Qui se soucie du pauvre Decourt ?) ; Ka ninda, l’écho (théâtre), de Marc Tarnet ; et sept essais de Pierre Drogi : Fiction : la portée non mesurée de la parole.