publié le 16 mai 2022 , par dans Accueil> Les I.D
Une conjonction de rencontres heureuses a conduit à l’élaboration de l’ouvrage et l’auteur expose en prélude la suite de miracles dont l’accord avec cet artiste inconnu et lointain, vivant à Kobé, duquel il découvre les œuvres sur internet et qui aussitôt contacté répond, enthousiaste, par l’envoi d’une dizaine de peintures. Mais rien n’aurait eu lieu sans la rencontre initiale, décisive, du poète avec le cerisier dont la présence au beau milieu du jardin le convainc d’acheter la maison devant laquelle il est planté et avec lequel va s’installer un dialogue au long des métamorphoses des quatre saisons. L’arbre devient pour l’homme une obsession :
Au milieu de la nuit
je me demande
ce qu’est en train de faire le cerisier
à cet instant précis
C’est un bien étrange relation, narcissique, qui se noue où les deux protagonistes échangent leurs attributs : le cerisier compte ses feuilles / sur les doigts de quelques mains , tandis que le poète reconnaît :
Sous le cerisier
yeux fermésj’ai du vent dans les branches
Et après avoir rappelé au fil des pages une remarque de François Cheng, selon laquelle l’arbre est avec l’homme / le seul être vivant à se tenir debout, Antoine Maine finit par conclure dans le poème ultime :
Finalement,
le cerisier est un homme
comme les autres
Il n’est peut-être pas si surprenant que cette suite de notations, d’instantanés qui constituent les poèmes, de quelques vers (les citations ci-dessus ne sont pas des fragments, mais des poèmes dans leur intégralité), ait conquis d’emblée Hiroschi Tachibana. Elle possède, pour autant que j’en puisse juger, quelque chose de japonais, par la concision d’une écriture légère, sensible au temps et à la nature (aux oiseaux de toute sorte en particulier), au cerisier bien sûr dont la floraison est attendue et célébrée chaque année, comme on sait. Le poète ne manque pas l’évènement :
Neige d’avril
c’est le cerisier
qui laisse aller ses fleurschute légère
de pétales blancs
Demeure cependant un mystère, une absence trop énorme pour ne pas être remarquée (pour ne pas être significative, sans doute - mais de quoi ? ) : dans ce cerisier si généreux en fleurs et en feuilles, si accueillant pour les oiseaux, les abeilles, les papillons (on y trouve même un enfant blotti dans les branches), ne manquent… que les fruits. Cherchez bien, le mot cerise est absent. Un mot interdit ? Le narrateur s’est-il si bien perdu dans son reflet qu’il en a oublié que son apparent alter ego a pour fonction de produire des fruits ? Trop rouges dans le vert dominant, ou pour le bleu et le blanc du peintre ?
Repères : Antoine Maine : Le Cerisier. Peintures de Hiroshi Tachibana. Éditions La Chouette imprévue (7 rue du Moulin Brulé - 80000 Amiens). 86 p. 12€.
Commentaires
21 mai 2022, 09:13, par Antoine Maine
Cher Claude
Tout d’abord merci pour ce bel article au sujet du Cerisier.
Quant à votre interrogation sur l’absence des cerises, voici une réponse possible. Si cet arbre est si présent dans ma vie, par son volume, par sa masse végétale, par sa place au milieu du jardin (petit jardin de ville), par l’abondance de ses fleurs, par les multiples relations qu’il entretient avec les insectes, les oiseaux, les nuages et les humains, il faut avouer que quand arrive la saison des cerises, il se montre très peu généreux ! Quelques petites cerises (de Montmorency, je crois) et qui sont bien rapidement dévorées par les oiseaux. Ce qui ne me laisse pas le temps d’écrire quoi que ce soit !
Autre réponse aussi. Les cerises annoncent déjà l’été, une forme d’aboutissement et je me sens plus à l’aise dans l’entre-deux, dans ce qui va devenir. Plus sensible à la fin de l’hiver, aux premiers bourgeons, à la sève qui circule, au renouveau et aux fleurs qui marquent une phase intermédiaire.