au 3 rue Petit Gras
à Clermont-Ferrand
(photo Manuel G. Cardero)
Sortir le poème du livre, donner à la poésie toute sa place dans la ville : rêve ancien, récurrent. Légitime. Que certes l’on a vu se concrétiser ici et là : dans le métro parisien comme sur les bornes d’un certain Chemin des poètes ; ailleurs sur affiches, panneaux municipaux, bannières, - au gré des initiatives. A Clermont-Ferrand, en décembre dernier, la proposition de l’artiste Manuel G. Cardero, d’un abord surprenant, mais dans le fil au bout du compte d’une rêverie bachelardienne, renouvelait la démarche en inscrivant le poème dans l’espace de l’escalier.
Ainsi, en cette fin d’année 2012, douze escaliers furent occupés par les textes de quatorze poètes. Approximativement, car il advint, me fut-il rapporté, qu’« un malentendu avec une voisine » privât le poème de Christian Moncelet de son lieu d’exposition. J’en fus (mon amie Chantal Dupuy se souvint à propos de Mes escaliers), dans la compagnie d’Yves Chagnaud, Amandine Marembert, Christian Degoutte, Claire Demange, Vanina Noël, Chantal Dupuy-Dunier, Marie Rousset, Jean-Pierre Farines, Jean-Christophe Sendral, Romain Fustier, Colette Thevenet et Jean-Louis Jacquier-Roux. Sur la photo transmise par l’artiste comme témoignage de sa réalisation, on reconnaît les derniers mots du poème suivant, transcrit en silicone transparent sur les contremarches d’un escalier sis au 3 rue Petit Gras, dans le centre historique de Clermont :
L’escalier est une balance juste
Chacun à son pas
monte à sa main progresse
à chacun selon ses moyens
Et celui qui s’élève
qu’il se persuade que bientôt
on le verra s’abaisser
au commun niveau
retrouver sur le trottoir sa place
à un pas du caniveau
Poème extrait de Mes escaliers, recueil publié en 2009 aux éditions des Carnets du Dessert de Lune, avec une préface de Jean-Pierre Georges, et qui fut écrit, déjà, à la suite d’une sollicitation extérieure. Georges Curie est photographe, un des sujets de prédilection est les escaliers, et ceux de la ville de Dôle l’inspire particulièrement. Il projetait de les présenter dans un livre, où il serait accompagnés par des poèmes, qu’écriraient quelques-uns de ses amis. La proposition était donc pour chacun d’écrire une page, j’en écrivis un livre (eh oui, je m’y sentais bien, au bout du compte, dans ces escaliers où de moi-même, je reconnais, je n’aurais peut-être pas eu idée de m’engager), qui eut la chance de rencontrer son éditeur. Quant au livre même de Georges Curie, s’il n’a pas été publié à ce jour, il semble désormais en bonne voie.
Il m’est difficile en revanche d’apporter une appréciation justifiée sur les installations de Manuel G. Cardero : j’en ai apprécié l’initiative, le concept, mais je ne les ai pas vues in situ. Sans doute que mon poème n’était pas déplacé dans le lieu qui lui fut assigné ; j’aurais néanmoins trouvé plus satisfaisant qu’un texte nouveau naisse de cet escalier particulier, de ses contraintes propres. La dimension du temps, celui de la création poétique, a peut-être été moins prise en compte que celle de l’espace. La principale envie désormais est que cette première expérience, menée dans la précipitation et avec les moyens du bord, mais riches de potentialités, soit dûment reconduite avec des moyens dignes, correspondant à l’ambition de l’artiste . Ce serait bien le diable si ne se trouvait une municipalité, une structure culturelle, une association de poètes, pour prendre en charge ce projet, non ? Au besoin, nous contacter : nous saurons faire suivre à l’artiste.
Après coup : Voir en commentaire le témoignage de Françoise Lalot, qui a quant à elle réellement visité les escaliers ....
Repères : Sur Manuel G. Cardero :http://www.mgcardero.net/mgcardero/home.html .
Mais aussi sur le site de la Semaine de la poésie de Clermont, qui a soutenu le projet : http://babylone4.auvergne.iufm.fr/poesie/blog/index.php?category/Ailleurs,-autrement
Le Chemin des poètes, auquel il est fait allusion, est bien sûr celui de Durcet. Pour plus d’informations :http://biloba.over-blog.com/categorie-1075231.html
Claude Vercey : Mes escaliers - Editions des Carnets du Dessert de Lune (67 rue de Venise - 1050 - Bruxelles - Belgique.) 12€. Photos de Georges Curie.