Nul ne me contestera qu’il s’agit en somme d’une revue. Annuelle, il est vrai, mais peu importe la périodicité. Elle revient depuis quatre ans à présent, (2005, 2007 et 2008) et son retour au printemps marque une certaine bonne santé de la poésie. Cette fameuse année poétique avait été abandonnée par Seghers, rappelons-le, en 1977 !
On y dénombre au sommaire cent noms, auxquels il faut ajouter, le pays invité, comme dans les salons, étant la Belgique, vingt-cinq poètes supplémentaires d’outre Quiévrain, pour éviter la répétition.
100 + 25, c’est carré. Et cela fait souvent beaucoup moins de poètes élus que de poètes frustrés.
Ces derniers pourront parler de copinage, les auteurs : Patrice Delbourg et Jean-Luc Maxence, sous l’autorité du directeur des éditions Seghers : Bruno Doucey, connaissent le microcosme depuis lurette. Auxquels s’est adjoint cette fois Pierre Maubé, à la place de Florence Trocmé. Mais la liste des prétendants est pléthorique. En effet combien d’auteurs, de recueils publiés, de poèmes parus en revues, sur le net en un an ? Quelques milliers sans doute… A répartir dans cent vingt-cinq entrées, ni plus ni moins. Il y faudra de la diversité : que tous les pays francophones y soient peu ou prou représentés : Suisse, Québec, Cameroun, Maroc, Tunisie, Liban…Qu’hommage soit rendu aux poètes disparus de l’année, à commencer par Césaire, bien sûr, mais aussi Jacques Bancal, Emmanuel Brouillard, l’oulipien François Caradec, Alain Suied ou Jacques Taurand, ainsi que côté Belgique, Roger Foulon, et les regrettés Jacques Izoard et André Miguel. Que certains grands noms incontournables de la poésie française intègrent enfin l’inventaire : Bonnefoy ou Jaccottet, en particulier, mais aussi Jacques Ancet, Pascal Commère, Guy Benoit, Hubert Haddad, Jacques Jouet, Charles Le Quintrec décédé cette année, Pierre Peuchmaurd [1], Gaston Puel, Werner Lambersy, Pierre Tilman ou Jehan Van Langhenhoven… (non exhaustif, c’est moi qui pioche…). Enfin, autre critère possible de sélection : avoir sorti dans l’année ses œuvres complètes, ou une anthologie, ou encore avoir reçu un Prix prestigieux… ainsi Jean Orizet (Œuvres complètes), Gilbert Baqué (antho), Fernando d’Almeida (Prix Senghor), Seyhmus Dagtekin (Prix Yvan Goll), Azadée Nichapour (Prix Charles-Vildrac de la SGDL), Gabriel Mwéné Oukoundji (Prix PoésYvelines), Jan Bartens (Prix Communauté française de Belgique), Jacques Lartigue (numéro spécial de la revue : Faites entrer l’Infini)…
Il vaut mieux être édité évidemment chez Gallimard, La Différence, Flammarion, Le Seuil, la Table ronde, le Mercure de France ou le Castor Astral, mais on trouve aussi nos amis de l’Idée bleue (Nolween Euzen), Gros textes (Jean-Pierre Lesieur) ou Rhubarbe (Vincent Whal).
Le mieux bien entendu, pour être sûr de son coup, étant d’avoir publié dans l’année ses œuvres complètes, couronnées par un Prix international, chez un grand éditeur, être belge et décédé si possible.
En m’aidant du relevé effectué l’an dernier par Pierre Maubé (voir onglet « inventaire » de notre site, ici même – juste après le défilé des plus de mille auteurs de Décharge), j’ai recensé quelques poètes qui ont été retenus trois fois sur quatre. Il s’agit de Jean Orizet, Yvon Le Men, Jacques Izoard, Seyhmus Dagtekin, Pierre Dhainaut, Guy Goffette, Jacques Reda et Jean-Pierre Verheggen ; le grand vainqueur étant William Cliff, carton plein. (On y est bien : « un poète français sur deux est belge » ! comme le proclame la bande d’accompagnement du livre).
En tous les cas, composer un ensemble tel que celui-ci doit être aussi épineux et complexe que de constituer un gouvernement. L’ouvrage vaut en outre par sa partie « Guide 2009 de la poésie », puisqu’on peut y trouver plein de renseignements ou simplement d’adresses concernant les revues, les éditeurs, les Maisons de poésie, et autres ressources sur internet.
Une très bonne idée : avoir chapeauté les différents pans de l’ensemble avec des titres de l’œuvre d’Henri Michaux, sorte d’invité d’honneur. Enfin, un dernier nom pour clore, (j’en aurai cité une quarantaine, c’est un bon pourcentage), celui d’Alain Guillard, avec un extrait de son « Ombre androgyne » chez Jacques Brémond, comme une réelle satisfaction personnelle.