publié le 9 novembre 2022 , par dans Accueil> Repérage
Dans une première phase, c’est le temps, au sens météorologique qui domine. Maintes fois il est question de pluies, de vent, de nuages, de nuit, c’est la ville entre chien et loup, avec des lumières diffuses et quelques oiseaux cependant, pie ou merle le soir vient à pas de pluie S’il est question de jour, l’épithète sera : amer ou gourd. Le paysage dans cette lassitude ne sera incarné que par un promeneur, un vieil homme, un homme soucieux, ou un passant. Entre mutisme et inconnu. L’humanité semble avoir déserté cet univers neurasthénique. Chaque jour / il semble que l’on remette / la vie à plus tard Il est question d’attente, de langueur, de fatigue Puis le recueil bascule en son milieu avec ce constat intermédiaire : finalement vivre / n’est peut-être que cela / être là posé comme une chose… et aussi un quintil à rimes redoublées (page 57) comme un hommage involontaire rendu aux poètes symbolistes et ce vers également : le ciel bas tamponne la terre…
Puis, toujours sur le même ton, on passe à davantage d’élégie et d’introspection avec la nuit qui vient / les morts en nous remontent Un autre élément rentre en ligne de compte qui explique en partie cette attitude perpétuellement en retrait : la peur : elle a d’ailleurs toujours eu / sa place en nous / dans le présent / qui n’est qu’une hécatombe… avec ce raccourci signifiant : on meurt sans cesse… Et l’enveloppe de la pensée et de la conscience prend petit à petit la première place car excepté en notre corps / nous ne savons plus / où nous sommes Lequel devient face à la sinistrose qui guette le dernier refuge. ce que le corps franchit dès l’aube / n’est que le bord du monde
Enfin ce souhait à l’avant-dernière page : on aimerait pouvoir se loger / dans un corps habitable qui donne le titre à l’ensemble. Juste avant cette tentative de résilience aux tout derniers vers comme une ultime pirouette : …vers une terre d’abondance / où vivre éperdument Cette fois, c’est le temps physiologique, métaphysique qui a pris le dessus. Les sentiments, les sensations sont recentrés. Il reste juste un peu de volonté, à peine un souffle d’espoir pour échapper à l’univers maussade qui l’enserre.
Michel Bourçon ne se met jamais directement en scène ou en prise avec le présent qu’il évoque C’est un nous, ou bien un on général qui prend la parole et réagit collective-ment comme devant un miroir. Les autres cependant paraissent différents de lui : dans la rue on voit des gens / sortir sans leur visage…
Ainsi sonde-t-il inlassablement le spleen qu’il détecte sans le vouloir dans l’existence et c’est à part, dans un distique isolé que le poète résume cette redoutable mécanique de l’être : que veulent nos gestes / que nous n’avons pas
7 €. Couverture : Hubert Duprilot.
Du même auteur : « vers cela qui n’est pas » (La Crypte) (Repérage du 8 mars 2020) & (Repérage du 10 septembre 2020) Passe aux cerfs dans la brume (Christophe Chomant éd.).