Retour sur l'I.D n° 251 , écrit à la suite de la rencontre à Dijon avec Véronique Janzyk, Antoine Wauters et Serge Delaive. A cette occasion, les Trois poètes wallons étaient réunis en une anthologie publiée aux éditions du Murmure sous une préface de Karel Logist. Et je dus me rendre à l'évidence, combien était important cet absent, auquel il était référé avec une surprenante constance, ce qui suscita ma curiosité envers une poésie que, je l'avoue, je méconnaissais jusque-là. Fort à propos, Tout emporter au Castor astral est venu pallier mes lacunes, m'offrir en accéléré une vue sur l'œuvre.
Thématique, l'anthologie couvre les douze livres énoncés dans la bibliographie, du Séismographe aux Eperonniers (1988) au Sens de la visite, à la Différence ( 2008). Liliane Wouters, grande dame des lettres belges, le présente avec allégresse et frappe juste en écrivant que Karel Logist « ne parle qu'à mi-voix, en confidences. Mais entre les phrases anodines, anecdotiques, humoristiques, une petite flèche frappe qui n'a l'air de rien et peut briser le cœur. »
Il est vrai que ce qui séduit d'emblée, c'est la légèreté de la démarche, une apparente insouciance, un côté "fleur bleue", ou comme un qui va sifflotant, ce qui peut laisser à penser que l'auteur vaque à l'étourdie, se laisse emporter par les rythmes, les rimes aussi parfois, de la chansonnette :
S'il vend toutes ses roses
sur le môle et dans le bruit
il ira s'assoir s'il ose
aux terrasses de minuit
voir passer les filles roses
Norge, avec cet air de se foutre du monde, n'est pas si loin. Où qu'il aille, quoi qu'il observe, Karel Logist paraît danser sa vie : Le danseur évident, dit un de ses titres. Non qu'il ne souhaite être « dans la vie » ; la plupart du temps il se tient pourtant à distance, malhabile, ironique, attendri. Et c'est cette juste distance qu'il entretient, dans le constat ou le poème d'amour, qui donne son prix à cette poésie.
Avez-vous jamais remarqué qu'au poète
quoi qu'il souhaite, quoi qu'il fasse
quoiqu'il tente, il ne lui arrive rien ?
Il a beau concevoir des projets
d'aventure
creuser des tunnels sous la nappe
s'épiler les sourcils avec une pince à
sucre
porter des pull-overs aux coudes
recousus :
il ne rêve qu'assis et ne fleurit qu'en pot.
Un jour, on l'habille chaudement
(car un hiver précoce profile sa rude
haleine),
on le met dans un train qui part de
Pepinster
à destination du Népal.
Mais un vol de billets, un mal de dos
suspect
une grève de sherpas, un complot de
criquets
un courrier en retard
l'obliger à tester d'autres itinéraires.
En transit et transi, il se retrouve à
Blankenberge
où de nuages blancs l'hébergent.
Repères : Karel Logist : Tout emporter – 176 p. - Castor Astral – (Juin 2008) - 14€
Trois poètes wallons (Janzyk, Wauters, Delaive) – Éditions du Murmure ( Janvier 2010)