Je ne veux collectionner que des moments de bonheur, promet un vers de On n’invente pas la neige. L’application de ce joli programme a valu à son auteur, Monique Saint-Julia, le prix Troubadours / Trobadors 2012 et de se retrouver propulsée en fronton du récent numéro de Friches (n° 111), organisatrice du concours. Poésie de ferveur, à l’endroit du vent, de la neige, de la lumière, des menus plaisirs des jours :
Ainsi je recueille pêle-mêle les bruits
piège les odeurs, respire l’atmosphère,
regarde ce qui proche ou lointain
bouge, parle, sursaute, suivant des yeux
la lumière posée sur les fruits
comme une douceur d’épaule.
Vu de l’extérieur, Friches, sous son immuable couverture aux lettres vertes, paraît une revue sans histoire, dont rien ne peut venir troubler la régulière progression. Insubmersible ? Il y a quelques années pourtant, elle nous inquiéta en abandonnant le rythme trimestriel de parution. « Le rythme de 4 n°/an devenait trop lourd, explique aujourd’hui Jean-Pierre Thuillat : pour nous, mais aussi pour notre ami imprimeur-typographe, qui a pris sa retraite et donné son matériel à une association. Il continue de nous faire la compo, l’impression et le montage mais avec l’aide de deux jeunes qu’il forme en même temps. Une sorte de tutorat.... ». Au bout du compte : « Le passage à 3 numéros/an n’a pas provoqué de bouleversement, ni dans le nombre des abonnés, ni dans les finances de la revue (on avait anticipé la chose en se faisant une petite cagnotte pour les frais postaux supplémentaires). »
Rigoureuse, discrète, obstinée. Moins tournée vers le défrichage cependant, malgré la tentation d’un jeu de mots facile, que soucieuse de remettre sans cesse à jour la cartographie d’une France poétique. Principaux sommets, récemment signalés et salués : Jean Joubert, Frédéric-Jacques Temple, Jean-Paul Klée ; moins attendus : Danièle Corre, ou la très méconnue Heather Dohollau (une douzaine de titres cependant, la plupart chez Folle avoine). Et hors champ, nous dit-on (pour la raison qu’il appartient au comité de lecture), Jean-François Mathé, qui en 6 inédits dans le n° 109, nous rappelle combien il serait bien venu de s’attarder plus longuement sur une œuvre dont Rougerie, avec Chemins qui me suit, vient à propos de publier des poèmes choisis :
Si l’ombre de la moindre feuille qui s’envole
est une main
je lui donne la mienne
pour partir loin d’ici
où mes cinq doigts
n’ont jamais rien pu saisir.
Sont passés l’eau, le sable, le temps,
je reste vide comme le vent d’un pays sans arbre
et le regard clair de n’avoir rien vu.
J’irai où le veut l’ombre,
le cœur papillon encore vivant
battant contre des lampes toujours éteintes
comme éteintes les illusions.
( Jean-François Mathé – in Friches 109)
Repères : Outre Monique Saint-Julia, le n° 111 de Friches, en septembre 2012 présente les nominés du concours Troubadours, parmi lesquels Chantal Couliou, Régine Ha Minh Tu, Geneviève Vidal. 12€. (Abonnement : 25 €/an . Chez Friches – Le Gravier de Glandon – 87500 – Saint-Yrieix. )
Pour en savoir plus sur Friches : http://www.friches.org/ Et revue Décharge 114.