Bazoches : Cedric Le Penven
Décharge en main.
Bazoches 2013 : un grand cru. A côté de Jacques Roubaud, qui sait si remarquablement se mettre à portée de tout public, et Yves Artufel, en saltimbanque du verbe ; des découvertes (pour moi) : Lili Frikh et Françoise Clédat, l’une et l’autre émouvantes, chacune dans son registre particulier ; Dominique Quelen,en verve, dans la lignée des irréguliers qu’il admire ; et Cedric Le Penven, qui tint à terminer sa lecture par les inédits publiés dans Décharge 158 (et dans Friches 113 : oui, ce sont les mêmes … ! (et ce n’est pas bien)).
Si bien que pour boucler la saison, - pour parler comme les artistes - avant que chacun se saisisse qui de son piolet, qui de son seau et sa pelle, je n’ai pas scrupule à reproduire les poèmes, - un extrait du moins, - qu’il nous a confiés sous le titre de Nuit de peu de nuit.
Quelques livres apaisent, ceux dont je connais
chaque signe, dont je murmure chaque nom
c’est la joie de la délectation de connaître une leçon
sur le bout des lèvres, de dire Hypolaïs Polyglotte
Fauvette à la silhouette légèrement plus brune
dessus
que l’Hypolaïs Ictérine et d’aimer cette précision
invérifiable
puisque l’Hypolaïs Ictérine n’apparaît pas dans le
livre
(quatre doigts serrent la diagonale d’un roseau)
*
Parfois je me dis poète et cela me fait bien rire
ce gros mot pour expliquer, apprivoiser cet élan
cette manière d’habiter l’inhabitable d’une saison
de voir son visage dans les pierres trouées
non poète c’est une étiquette posée pour vendre
de la tripe, de la colère délicieuse (le miracle du mot
qui extirpe et métamorphose les pays de la nuit
où l’amour et la mort s’embrassent goulûment)
*
Sa respiration à mes côtés comme pouls régulier
de la nuit qui poursuit la ligne d’horizon
la masse brune de ses cheveux que je cherche
au bout des doigts pour apaiser la course folle
d’un esprit rompu à l’art de l’impertinence
Ces images d’eaux en crue frappent contre
la fixité du regard noir de l’enfant, apprendre
à tenir debout, à jeter ses filets d’ombre, à parcourir
les mots de Charles, de Paul et d’Arthur
(c’est curieux, Cédric ça sonne moins bien)
(Cedric Le Penven - in Décharge 158 : extraits)
Repères : Décharge 158 : avec, à côté de Cedric Le Penven, Hamid Tibouchi, Jean-François Mathé, Henri Droguet, Annie Salager, Werner Lambersy, Patrick Werstink.
Friches 113 : outre Cedric Le Penven, hors-champ, l’invité du printemps y est Emmanuel Hiriart. (12€ - le Gravier du Glandon – 87500 – Saint-Yrieix).
Des Livres pour l’été : Cedric Le Penven : Adolescence florentine (Tarabuste éd.) ; Jacques Roubaud : Ode à la ligne 29 des autobus parisiens (éditions Attila) ; Françoise Clédat : L’ange hypnovel (Dernier Télégramme éd.) ; Lili Frikh : Bleu, ciel non compris (Gros Textes éd.) ; Dominique Quélen : Finir ses restes (Rehauts éd.) ; Yves Artufel : J’aurais dû prendre des photos (Gros Textes éd.)