Voici venu le temps des revues papier. Le premier à s’exprimer, sans modération comme on le constatera (Un livre immense, écrit-il. Je n’ai pas osé en faire le titre de cet article), est Alain Wexler dans Verso 175. Laissons-lui la parole.
La question que l’on doit se poser en parcourant ce livre immense, c’est pourquoi il se nomme récit et non genèse, mais la réponse doit se trouver dans ces pages. Il ne s’agit pas moins que l’histoire du monde. Un leitmotiv étrange : Rien ne fut proclamé nous obsède. Les religions proclament que le monde est l’oeuvre d’un dieu. Non, rien ne fut proclamé, est la réponse du livre. Mieux que cela, nous si anthropocentristes, il nous faut des ancêtres rassurants, des singes cela vaut mieux peut-être que des araignées ou des bactéries. Dans ce récit, l’arbre est un de nos ancêtres. Cela devrait satisfaire nos semblables, obsédés par leurs propres racines. Moi, j’adore. Autre leitmotiv : rien ne fut scellé : Et les eaux répondirent / Au rythme lumineux des roches / Qui tournoient en silence – Ô rythme silencieux ! // Oui des eaux répondirent /Ô rythme silencieux ! // Oui, les eaux répondirent / Ô balancement des mers/ violent et langoureux / Baiser des eaux à la terre// Et du rythme vint la vie // (Mais rien ne fut scellé).
Ce changement perpétuel, Héraclite en avait conscience. Il le comparait à un fleuve. Les mots suivirent le même chemin : Et les mots voyagèrent, comme avaient fait les bêtes et les plantes avant eux, comme avaient fait les eaux en compagnie des roches. En des détours improbables, les mots s’élargirent en mille inattendus, s’ouvrirent comme des fruits trop mûrs, déchirèrent leurs fibres et brisèrent leur noyau. Ceci évoque une liberté grande. Tout à coup, celle-ci est abolie : D’abord ils capturèrent les mots / Les mots de brique rouge / de laine/ de sang / De cheveux emmêlés // Ils en firent / Des discours / Des discours bien bâtis / De discours indiscutables / Des vérités (...). Je serais tenté de dire : Et nous en sommes là.
Comme Jean-Pierre Siméon qui présente ce livre, je renchéris, c’est le rôle de la poésie de dénoncer cette autodestruction de l’humanité. La poésie est au cœur des mots, si elle ne peut pas faire exploser le cœur des tyrans, elle peut enflammer ce rythme (la musique) dont Chloé Landriot dit qu’il crée un corps pour les absents. Elle ajoute : Car rien ne fut scellé.
« Une voix à suivre absolument » (Laurent Bayssière)
L’appréciation, qui sert de titre à cet article, est celle que Laurent Bayssière dans le numéro 59 d’Intervention à Haute Voix, exprime à l’endroit d’Un Récit, de Chloé Landriot .
Laurent Bayssière :
Jeune poétesse dont le récit ambitieux du monde la classe d’emblée dans le cercle des voix à suivre absolument. Ce texte est en effet une réussite totale : Chloé Landriot sait saisir l’écho de l’univers dans une écriture ample et lisible, où les répétitions donnent un supplément d’âme aux correspondances entre les eaux, l’air, la lumière et les pierres. Avec l’arbre, symbole de vie, enveloppant dans une harmonie bienveillante les pas, les oiseaux, et l’homme, pour que sourdent les échos mystérieux de la création, une langue cueillie à fleur d’écorce. Récit au débord de la mémoire et de l’amour se cambrant soudain face aux inextinguibles parures de la barbarie :
Ils arrachèrent la peau des mots / simple et vivante / et la firent sécher.
Avant un retour à la liberté, à la tolérance, la multiplicité, à nourrir en s’appuyant sur ce que nous avons construit dans la beauté et la bonté par le passé.
Repères : L’article ci-dessus est à lire en intégralité dans la revue Interventions à Haute voix, qu’on se procure contre 12€, à la MJC - 25 rue des Fontaines Marivel – 92370 Chaville.
Un chant qui approuve la beauté de toute chose
Site Terre à Ciel, Juillet 2017 : Valérie Canat de Chizy lit et approuve (Lu et approuvé est le titre de sa chronique) Un Récit de Chloë Landriot.
Dans Un récit, nous assistons au début de la vie sur terre. L’eau, l’air, les minéraux, les arbres, les animaux et les êtres humains émergent peu à peu, et se mettent à cheminer ensemble ; l’un après l’autre, ils se répondent et se rejoignent, cherchant compagnie, filtrant avec la lumière, et du rythme vint la vie. Ainsi, au commencement était le mouvement. La genèse de la vie sur terre est, dans Un récit, caractérisée par la beauté et l’harmonie. Il n’y a ni bien, ni mal. Juste le mouvement. Vint la vie végétale / Fragile et têtue / Confiante sans espoir / Sûre / De ses racines / Sans souci du ciel. Les arbres sont des êtres vivants à part entière, ils se déploient, vibrent et pleurent, s’émerveillent aussi. Puis, vint le langage et les mots qui voyagent, et les récits anciens. Vint la parole originelle, celle qui avait pouvoir de création. L’amour était vivant. Chloé Landriot évoque ensuite la prise de pouvoir par les mots, quand certains hommes s’emparèrent de la parole pour dominer, à l’aide des discours. Mais, elle fait revivre le cœur pur des hommes par son récit, qui est un retour à l’harmonie originelle, un chant qui se déploie et célèbre la beauté de toute chose. Un premier recueil, avec une préface de Jean-Pierre Siméon.
Françoise Siri, dans « La Croix »
On se plaint assez de l’indifférence portée à la poésie par la presse nationale pour ne pas saluer un article, signée Françoise Siri, paru le 21 décembre dans La Croix, et rendant compte d’Un récit, de Chloé Landriot, accueilli au printemps dans la collection Polder, et que préface Jean-Pierre Siméon. Nous le reproduisons ci-dessous :
Françoise Siri :
La poésie pour conjurer la peur
Chloé Landriot, jeune poète, compose une genèse pour révéler la joie d’être en vie
Paradoxe : Chloé Landriot est une jeune femme de 36 ans qui célèbre les temps anciens. Son petit livre s’impose par sa différence dans le champ des parutions actuelles : intitulé sobrement Un récit , c’est une genèse du monde, qui renoue avec la fantaisie et le mystère d’un Supervielle. Le poème est porté par le souffle, le chant rythmé par la longueur des vers et les jeux sur les sonorités.
Tout commence bien : dans les noces de l’eau et de la lumière jaillissent la terre, les plantes et les bêtes, et puis les hommes et le verbe. Le poète célèbre alors l’harmonie heureuse et les métamorphoses du vivant. « Nous avons été des arbres/ Sans effort nos racines / Ont lentement plongé dans le sol/ Faites pour épouser la terre/ Pour l’étreindre sans fin au-delà de la vie… »
Mais vient le règne de la rationalité et de ses excès : le langage devient instrument de classification, de rigidification, d’asservissement. Le monde n’est plus qu’un « catalogue » à la merci de l’homme, qui le découpe toujours davantage jusqu’à le tuer. Le texte est alors interrompu par le dessin d’une vague déchaînée, de l’artiste An Sé. Puis ce monde mort, et bien mort, renaît de nouveau à la lumière, Chloé Landriot explique : « J’ai peur. J’ai peur pour la planète, pour la Terre, pour mes deux jeunes enfants. Mais c’est parce que je crois à la destruction probable du monde que je m’efforce d’être heureuse et de vivre l’instant présent. Et la poésie révèle l’intensité de mon sentiment d’être en vie ».
La revue Décharge, qui, depuis sa création en 1981, a publié plus de 1500 poètes d’aujourd’hui, invite les nouveaux talents à publier des recueils chez un éditeur partenaire, Gros Textes. Ces livrets, fabriqués artisanalement, sont vendus à un prix modique .
« Un récit primordial » (Patrice Maltaverne)
A peine publié, aussitôt repéré : hier, Quyên Lavan (voir le Repérage du 27 Mai) ; Patrice Maltaverne à présent, sur son blog Poesiechroniquetamalle, où on lira dans son intégralité, citations comprises, son billet.
Non sans avoir souligné qu’il s’agit du premier recueil publié de Chloé Landriot, le critique commente :
Ce texte est en fait un récit primordial, celui de la genèse des éléments qui composent la terre : pèle-mêle, air, minéraux, eaux, végétation, arbres, bêtes et êtres humains (d’autres bêtes un peu spéciales).
À cet égard, je précise que ce récit n’est pas religieux, mais plutôt athée. Et d’ailleurs, ça se gâte quand l’homme a voulu se rendre maître de la terre et de la vie, à l’ère de raison, grâce à la science, ce qui nous rapproche dangereusement de notre aujourd’hui.
Après une illustration couleur qui symbolise la destruction de toute vie par les eaux, Un récit s’achève sur une note à la fois pessimiste et optimiste, car la fin des anciens hommes, c’est le début des nouveaux, dont on peut encore espérer quelque chose.
Dans sa préface, Jean-Pierre Siméon a raison de souligner le lyrisme de cette poésie. Cela me semble, en effet, caractériser le style de Chloé Landriot. Quelque chose d’ample aussi, de confiant en la nature, qui avance, sans être brisé dans son élan.
Les illustrations (dont celle de couverture) sont de An Sé.
Repères : On consultera le site Poesiechroniquetamalle, régulièrement alimenté en notes critiques par Patrice Maltaverne, animateur par ailleurs de la revue Traction-Brabant, dont j’ai rendu compte du n° 73 dans le Repérage du 25 Mai
« Une fabuleuse création du monde » ( Quyên Lavan)
In the writing garden est le blog de Quyên Lavan, romancière en devenir, me souffle-t-on. Dès le 18 Mai dernier, le blog accueillait une lecture d’Un récit de Chloé Landriot. J’en retiens ci-dessous le passage central, après que Quyën Lavan se défende au préalable : non, il ne s’agit pas d’amitié, qui seule ne me ferait pas écrire cette présentation, écrit-elle :
« Je pourrais souligner, par exemple, que c’est une poésie exigeante – non, pas de celles qui se retranchent dans une obscurité suspecte ou un hermétisme stérile, mais au contraire, d’une clarté qui ne s’atteint qu’à travers le feu où se consument les scories décoratives et mensongères. Ajouter qu’elle parle de l’amour comme personne, et des arbres comme je voudrais savoir le faire. Que, si vous avez l’heureuse curiosité d’y pencher votre regard, c’est à une fabuleuse création du monde que vous assisterez ».
On lira donc la suite de cet article dans les Repérages, - à la date du 27 mai 2017. Ou directement sur le site de Quyên Lavan : https://frogsblog7.wordpress.com/2017/05/18/creation-de-monde/ .